Homélie pour le Deuxième dimanche du Temps ordinaire – 14 janvier 2024
1 Samuel 3, 3b-10.19 / Psaume 39 (40) / 1 Corinthiens 6, 13c-15a.17-20 / Jean 1, 35-42
Seigneur, où demeures-tu ?
Il m’est arrivé souvent dans mon ministère pastoral récent de visiter les résidents d’un Centre d’Hébergement pour Soins de Longue Durée (CHSLD). Une part importante de mon travail reposait sur la qualité des contacts personnels que je pouvais vivre avec les gens. Chaque première rencontre était pour moi un défi. C’était toujours un moment délicat, une étape sensible et déterminante pour la suite. Il n’y a pas deux histoires pareilles. Il fallait me présenter, dire pourquoi j’étais là, anticiper les questions : que faites-vous ici? D’où êtes-vous? Qui êtes-vous? Il s’agissait d’établir un rapport de bienveillance et de confiance entre le résident et moi, une relation chaleureuse, aussi amicale que possible. Quand on me disait à la fin d’une première rencontre : « Vous reviendrez! » C’était déjà bon signe.
« Que cherches-tu? » C’est la question qui nous creuse en dedans, qui ouvre la porte à la vérité et au sens de nos rencontres. C’est la question avec laquelle Jésus accueille les deux disciples de Jean Baptiste qui veulent maintenant le suivre. Ils sont intrigués sans doute par les propos de leur maître au sujet de ce galiléen.
Le prophète en effet venait de leur dire que Jésus était l’Agneau de Dieu. Or, dire de quelqu’un qu’il est l’Agneau de Dieu, ce n’était pas banal! C’était une déclaration importante dans le contexte de la foi juive. Dire de Jésus de Nazareth qu’il était l’Agneau de Dieu, c’était dire qu’il prenait sur lui les péchés des hommes, qu’il allait sauver les pécheurs de la mort en offrant lui-même sa vie; c’était dire qu’il apporterait le Salut promis. Autant dire qu’il était le Messie attendu!
Celui dont l’évangéliste écrivait dans son Prologue qu’il était le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu qui a pris chair, voici que Jean le présente comme l’Agneau ou le Serviteur qui donnera sa vie en sacrifice. C’était assez pour que les deux disciples veuillent le suivre et s’attacher à lui. Ils sont désireux d’en savoir plus. Ils ont l’espoir d’avoir part à son Mystère.
Pour suivre Jésus, il leur faut se mettre en route. Jésus est toujours en mouvement. « Il allait et venait ! », dit le texte. Ce voyage les mènera aussi au cœur d’eux-mêmes. C’est là où Jésus les convoque avec sa question : « Que cherchez-vous? » Question embarrassante, mais nécessaire! Que puis-je faire pour vous? Qu’attendez-vous de moi? Semble leur dire Jésus. Pourquoi me suivre? Que cherchez-vous? Que cherchons-nous, nous qui voulons le suivre?
Or, une réponse leur est venue, un peu timide, hésitante. N’est-ce pas aussi la nôtre ? « Où demeures-tu? » C’est un peu lui demander : D’où viens-tu ? Qui es-tu ? Quel est ton monde ? Quelle est ta vie ? Voilà qui retourne bien la balle dans le camp du Seigneur ! Sa réponse est ouverture, confiance, générosité ! « Venez, et vous verrez ». Venez voir et vous verrez bien, vous comprendrez, vous apprendrez de source et d’expérience, vous saurez d’où je viens, chez qui j’habite. Venez!
« Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. » Il leur a fallu du temps pour une présence appuyée, un apprivoisement réel, pour la naissance d’une amitié, pour l’expérience d’une communion. Et ce fut assez pour qu’ils en portent témoignage à d’autres. Ils parleront de source. Ils ont trouvé le Messie! Ils le diront, et pourquoi pas d’abord dans leur réseau familial. C’est ainsi qu’André le dit à Simon, son frère. C’est à cause du témoignage d’André que Simon s’amènera auprès de Jésus, pour un regard de foi qu’il va poser sur Jésus, pour le regard profond d’amitié et de confiance que le Seigneur posera sur lui. Dès lors, Jésus va nous surprendre par son audace de bâtisseur. Car alors il pose le fondement d’un édifice qui n’en finira plus de grandir. Il gratifie le disciple Simon, fils de Jean, d’un nom nouveau. Il s’appellera Pierre. C’était mettre en valeur la foi de celui qui s’est fier au témoignage de son frère, André. Le premier, Simon Pierre, a cru sans avoir vu, en s’appuyant sur le témoignage d’un autre. Il sera à son tour le rassembleur de ceux et celles qui croiront sans avoir vu. N’est-il pas, à ce titre, le premier de la communauté croyante dont nous sommes ? « Et moi, lui dira un jour Jésus, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » (Matthieu 16, 15)
Fr Jacques Marcotte, OP
Québec, Q