Homélie pour le 2e dimanche du Carême – 28 février 2021
Genèse 22, 1-2.9-13.15-18 / Psaume 115 (116a) / 1 Corinthiens 8, 31b-34 / Marc 9, 2-120
Secret d’espérance et d’amour!
C’est avec émotion qu’au Domaine St-Dominique, on apprenait jeudi dernier le décès d’un préposé, victime d’un incendie survenu dans son logement. Paul Rhéaume était un homme que tous aimaient. D’humeur joyeuse, il était un ange de patience, de gentillesse et de fidélité auprès des résidents qui lui était confiés. Il nous reste de lui un précieux témoignage, lumineux d’amour et de générosité.
L’Évangile nous montre le Christ lui aussi éclatant de lumière, enveloppé de blancheur. C’est ainsi qu’il se laisse voir par les trois disciples venus avec lui sur la montagne. La transfiguration du Seigneur nous est présentée comme un moment d’extase et de vérité sur Jésus. Cette révélation, Pierre, Jacques et Jean la reçoivent comme un secret que le Seigneur les oblige d’ailleurs à ne pas divulguer pour l’instant. Ils attendront la suite des événements avant de dire ce qu’ils ont vu et entendu. Comment parler correctement de ce qu’on ne comprend pas encore? Ne sont-ils pas d’ailleurs dans le déni de ce que Jésus leur a déjà confié de la persécution qui l’attend, de sa mort prochaine et de sa résurrection à venir?
Quand l’heure de la Passion sera venue pour leur maître, avec le crucifiement et la mise au tombeau, et que, le 3ème jour, il ressuscitera, alors les disciples verront la portée de la vision qu’ils ont eue sur la montagne, que c’était une anticipation de la gloire qui attendait le Fils de l’homme, que c’était la signature du Père sur l’œuvre du Fils, une capsule d’espérance pour les temps où les choses annoncées surviendraient. Les événements allaient montrer la justesse du secret appris sur la montagne.
La transfiguration, ce n’est donc pas du cinéma!. Ce n’est pas non plus une histoire qu’on se raconte pour se divertir. C’est une plongée dans le mystère du Christ, un regard furtif sur l’aboutissement d’une histoire en marche, la révélation d’un sens qui se dévoile peu à peu.
Ce thème n’est pas facile. Je me souviens d’un camp vécu avec des jeunes. C’était le 2e dimanche du carême. Au moment de célébrer la messe, je m’étais dit que ça allait être facile. Les ados allaient s’intéresser à ce séjour en montagne, à l’étrange lumière, aux personnages fabuleux d’Élie et de Moïse, à la voix dans la nuée. Et bien, ce fut un fiasco! Les jeunes n’ont pas mordu. Était-ce trop abstrait et compliqué? J’en fus étonné. Pourquoi ce manque d’intérêt?
J’ai eu ma réponse un peu plus tard. Lors d’une autre journée de camp passée avec des ados en montagne, à chercher notre chemin, à nous morfondre dans une marche périlleuse, harassante. Le soir venu nous étions tous fatigués, mais une belle cohésion s’était emparée du groupe. Nous avions tant de choses à nous raconter. Nous étions devenus intarissables. La messe prit ce soir-là une allure surprenante. Nous avions un vécu à partager. La Parole de Dieu nous y rejoignait. C’était le Christ lui-même au milieu de nous, le Ressuscité dont nous faisions mémoire dans les rites de l’Eucharistie. C’était Pâques! Une longue route nous y avait menés : notre journée ensemble, à surmonter l’épreuve et relever les défis. Notre parabole vivante disait le Christ et sa présence mystérieuse, bienveillante et lumineuse au milieu de nous.
Nous faisons l’expérience de la transfiguration, nous aussi, quand nous vivons intensément et simplement notre quotidien avec amour, dans un esprit de partage et de paix, de patience et de miséricorde. La grâce de la transfiguration ne nous rejoint-elle pas dans le chantier de nos engagements, dans le don de nous-même pour la cause de ce prochain que nous côtoyons? La lumière du Christ n’est-elle pas déposée en nous comme un secret protégé pour un sens à découvrir, à révéler? Elle est là quand nous allons au bout de nous-même, dans un cœur à cœur avec le Seigneur, bien sûr, mais certainement aussi quand la compassion engage tout notre être et le donne au service des plus petits et des malmenés de la vie, en communion avec Lui.
Fr Jacques Marcotte, O.P.
Québec, QC