Homélie du 26e dimanche du Temps ordinaire – 25 septembre 2022
Amos 6, 1.4-7 / Psaume 145 (146) / 1 Timothée 6, 11-16 / Luc 16, 19-31
Quand on n’a que l’Amour!
Cette histoire nous fascinait quand nous étions à la petite école. Avec ses images fortes! Son récit émouvant! Son dénouement dramatique! Avec le renversement des situations bien affirmé : le « mauvais riche », devenu le plus pauvre, et le pauvre Lazare, comblé d’amour et de bénédictions, conduit à la place d’honneur, tout près d’Abraham. Bien naïvement nous voyions dans cette histoire une belle leçon sur l’art de vivre en société, où il fallait penser aux autres, savoir partager, pour que chacun ait sa juste part des biens de ce monde.
Mais avions-nous bien compris le sens profond de cette parabole? Y puisions-nous le message de vie que le Seigneur nous donne? En fait, Jésus nous appelle à une véritable conversion dans nos manières de voir et de vivre notre rapport à Dieu et aux autres.
C’est une évidence, le riche de la parabole est fautif de ne pas considérer le pauvre, de ne pas entendre ses gémissements, de ne pas partager son repas avec lui. Il est bien normal qu’il soit puni pour son égoïsme. Et le pauvre Lazare qui a connu un sort misérable, mérite qu’on s’occupe de lui là-haut et qu’on lui donne de jouir des biens célestes. Nous sommes contents pour lui. Mais lui fallait-il souffrir autant pour être sauvés? Le riche n’avait-il pas lui aussi sa chance d’être honoré là-haut, moyennant certaines conditions? Lesquelles?
On voit bien qu’il ne suffit pas de nous attarder sur les mérites personnels de l’un et l’autre personnage ou sur les détails concernant leur expérience du ciel ou de l’enfer. Ce ne sont pas là les enjeux de la parabole. Il est certes heureux et important que Lazare soit consolé et comblé après sa mort, mais le message concerne d’abord le riche, dont on ne sait d’ailleurs pas le nom. C’est peut-être moi? Peut-être nous? Le riche de la parabole avait cinq frères, dont tout porte à croire qu’ils vivaient, comme lui,… égoïstement! Tristement!
Or, qui est-il ce riche dont Jésus parle, sinon celui qui s’enferme dans sa tour d’ivoire, dans sa bulle de satisfaction personnelle? Qui se gave de luxe et de confort, qui ferme les yeux sur son entourage, qui n’entend pas le cri du pauvre, ne voit pas la détresse et les besoins des miséreux. Il a perdu conscience! Il oublie l’enseignement des Écritures. Il n’écoute pas Dieu. Il vit dans un monde clos, fermé à la transcendance. Il ne sait pas qu’il tient sa vie de Dieu, qu’il a été fait à son image, qu’il est en mission dans le monde pour témoigner du Père, de sa miséricorde et de sa divine providence. Il n’accomplit pas l’œuvre de Dieu, qui est écoute, tendresse et pitié pour le pauvre. Il manque de vision. Il a perdu le sens profond de sa vie, de sa vocation.
C’est ce mauvais « riche » qui intéresse la parabole, celui qui malheureusement fabrique le pauvre par son égoïsme, sa convoitise, l’accumulation éhontée de richesses pour lui seul, son manque de sensibilité et son indifférence.
Où est le remède? La parabole nous le suggère. Ouvrir les yeux du cœur et voir le pauvre, y trouver Dieu lui-même. Se laisser émouvoir. Écouter. Entendre le cri du Christ qui s’est fait pauvre. Comme le Père l’a entendu, lui qui a relevé son Fils de la mort. Ainsi nous faut-il, avec la puissance de l’amour et du partage, relever le pauvre et le produire à sa pleine dignité. Il nous faut contempler le Christ en croix, en toute sa pauvreté assumée, et croire dans le matin de Pâques, pour y découvrir la puissance de la divine miséricorde que Dieu dépose dans notre cœur et nos énergies d’hommes et de femmes, croyants ou pas.
Qu’il nous suffise donc d’entende la Parole qui résonne en nos cœurs et nos consciences, sans même parfois que nous l’ayons identifiée pour ce qu’elle est, que nous arrivions à écouter si bien cet appel profondément enraciné en nous que nous le mettions en pratique. Et alors, sans le savoir peut-être, nous aurons eu foi « en celui que se lève d’entre les morts. » Nous ferons, en mémoire de Lui, œuvre de résurrection dans notre monde.
Jacques Marcotte, O.P.
Québec, QC