Homélie pour le Quatrième dimanche de Pâques - 25 avril 2021
Actes des Apôtres 4, 8-12 / Psaume 117 (118) / 1 Jean 3, 1-2 / Évangile de Jean 10, 11-18
Vocation : bon berger!
"Papa, dites-nous encore l'histoire des moutons attaqués par les chiens-loups." Et mon père de nous raconter pour la Nième fois l'épisode dramatique où il avait affronté deux gros chiens qui menaçaient un jour ses moutons. L'événement l'avait beaucoup marqué. Chaque fois qu'il nous en parlait, il y avait de l'émotion dans sa voix. Il y en avait aussi dans nos cœurs d'enfants. Pour mon père, c'était se rappeler un coup d'audace, presque téméraire, où il avait joué gros pour défendre ses bêtes. Pour nous, c'était la fierté et la confiance devant le courage et la bravoure de celui qui avait risqué sa vie pour sauver ses brebis.
C'était l'automne, au temps des labours. Mon père était venu avec ses chevaux pour travailler près de là où pacageaient les moutons. Il s'aperçoit en arrivant que les brebis sont affolées, alors que deux carnassiers de forte taille veulent en faire leurs proies. Mon père se met aussitôt à courir, avec rien dans les mains, vers les deux prédateurs, en criant de toutes ses forces. Les deux chiens se tournent vers lui pour le défier. Mon père redouble d'intensité dans sa course et ses cris jusqu'à ce qu'il les voit hésiter, puis s'enfuir et disparaître, apeurés à leur tour. Mon père nous disait comment les brebis, traumatisées, s'étaient attachées à lui tout le reste de la journée. Elles avaient trouvé en lui la sécurité, le sauveur qui allait les protéger contre tous les dangers.
Cette histoire me revient à l'esprit quand je relis cette page d'Évangile, où Jésus sur le fond dramatique de notre condition humaine fragile et menacée nous rassure et s'engage envers nous : "Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis… Je suis le bon pasteur; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent comme le Père me connaît et que je connais le Père; et je donne ma vie pour mes brebis."
Nous comprenons qu’il est risqué et dangereux d’être berger au pays des loups et des voleurs. Et que c’est sous cet angle du danger et de tous les risques que Jésus nous invite à considérer son rôle et son action vis-à-vis de nous. Il donne sa vie. Il insiste pour nous le dire. On dirait même que c’est là son identité propre : être celui qui se désiste de lui-même, qui donne sa vie pour nous sauver du mal, pour que nous puissions vivre libres et sauvés… et devenir sauveurs à notre tour!
Qu’il s’agisse des brebis du dedans ou de celles du dehors, elles sont toutes importantes pour lui. Déjà il les connaît. Elles sauront bien le reconnaître. Il veut les rassembler, les conduire en lieu sûr. Il les appelle chacune par son nom. Elles écoutent. Elles viennent vers lui. Cette image nous dit très fort qui est le Christ. Elle nous dit qui nous sommes par rapport à lui. Elle nous engage envers lui et entre nous. Nous lui appartenons. Il nous appartient. C’est lui qui nous tient ensemble, nous appartenant les uns aux autres, responsables les uns des autres!
On voit combien l’image du bon berger est débordante, dynamique, généreuse. Le Seigneur Jésus ne va pas s'enfuir quand vient le mal. Il lui fait face. Si les choses pour nous se gâtent dans l'adversité et le malheur, nous pouvons compter sur lui. Il a lui-même connu notre souffrance et la mort. Le Père est venu à son secours. Désormais il produit la vie là où la mort nous guette et nous attend. Il a pouvoir sur la vie et sur la mort. Il est la Résurrection et la Vie!
L'Église nous invite aujourd'hui à prier pour les vocations, pour que l'appel de Dieu soit entendu. C'est un appel profond et personnel qui donne d'entrer dans le jeu du don et du service à la suite du Christ, à la manière du Christ. Le secret d'une vocation il est là, dans ce lien de connaissance et d'amour que le Seigneur veut vivre avec nous. C'est une mystérieuse complicité qu'il nous propose de vivre avec lui pour que nous puissions en témoigner. C'est dans un courant d'amour divin qu'il nous installe pour le don et le service. Il nous pourvoit de charismes et de capacités pour y arriver. Soyons à son écoute et faisons-lui confiance! Il est miséricorde pour tous. Puissions-nous assumer généreusement cette petite part de la Mission que le Père a confiée à son Fils, et que Celui-ci souhaite partager avec nous.
Fr Jacques Marcotte, O.P., Québec, QC